Cataloguer

Le but de cette note est de rendre plus intelligible les choix de méthode qui ont guidé le travail de catalogage dont ce site est l’expression. Pourquoi ces choix méritent-ils une explication ? Parce qu’ils ne vont pas forcément de soi. Ils reflètent des partis pris, théoriques ou pragmatiques, qu’il est normal d’exposer, simplement parce que cela peut faciliter la consultation.

L'objectif d'un catalogue devrait être au moins double : d'une part de décrire le plus précisément possible les éléments de la collection en tant qu'objets uniques, singuliers, d'autre part de permettre d'étudier leurs ressemblances et différences. Tout projet de collection, qu'elle soit privée ou publique, large et à portée universelle ou bien restrictive et très spécialisée, est en effet fondamentalement basé sur une dialectique de la variation. Les principes de catalogage devraient refléter ces deux objectifs différents. Les choix de classements et d'organisation des objets ont ainsi autant d'importance que leur description physique.

Comme le souligne W. B. Keller dans l'introduction de son catalogue de la collection Cary à l'université de Yale[1], si l'objectif de description a été correctement rempli dans les ouvrages passés sur les cartes à jouer, c'est encore un domaine à défricher pour la question de l'organisation. Keller évalue les efforts menés dans ce sens par Sylvia Mann et Detlef Hoffmann, puis l'International Playing Card Society (I.P.C.S.), dans le contexte du développement de la recherche sur les cartes à jouer dans les années 1970. Il propose, à partir de ces avancées, un classement systématique à plusieurs niveaux basé (dans l’ordre hiérarchique) sur : i) le pays de fabrication, ii) le système de suites, iii) le type, iv) le fabricant, v) la date et vi) le titre. Ces éléments constituent une base pertinente, qui a guidé le choix présenté ici de 3 axes principaux de classement.

 

Axes de classement

Les cartes à jouer sont des objets culturels complexes. Elles ont une histoire longue et intriquée à la « grande histoire ». Remplissant des fonctions diverses qui dépassent le domaine du jeu, elles ont acquis de multiples valeurs culturelles, allant du banal outil quotidien à l’œuvre d’art. Une description sérieuse devrait pouvoir situer un exemplaire donné dans tous ces champs. Ceci dit, le présent catalogue s’est attaché à 3 axes principaux.

Il s’agira tout d’abord de décrire le statut d’objet manufacturé de l’exemplaire, en indiquant les éléments du contexte de production et de diffusion (lieux, intervenants, techniques). C’est l’objectif du premier axe de Classement par Origine de fabrication / Zone de diffusion. La distinction supplémentaire entre fabrication et diffusion permet de prendre en compte la question de l’export : un jeu fabriqué à un endroit peut être distribué à un autre endroit.

Un deuxième axe s’attache à l’aspect iconographique. Les cartes à jouer sont illustrées selon une structure relativement fixe, mais qui comporte des familles, des types, des variantes, que l’on peut détailler. C’est le Classement Typologique.

Cette structure dérive évidemment d’objectifs fonctionnels. En tant que supports de jeu, les cartes doivent matérialiser leur rôle dans le système de règles des jeux qui les utilisent, si bien qu’il est souvent difficile de séparer complètement la description iconographique de la description fonctionnelle. Les données relatives aux formes de jeu[2], aboutissant à un potentiel « classement fonctionnel », n’ont pas été prises en compte ici. Ce sera peut-être l’objet d’une évolution future.

Enfin, un dernier axe est historique, c’est le Classement Chronologique. Regrouper des jeux selon des intervalles de temps significatifs est une tâche impossible dans une optique globale (dans le cadre d’un fabricant ou d’un type c’est beaucoup plus facile). Ce classement sera donc plus arbitraire que signifiant.

Les systèmes symboliques ou la thématique attachée aux cartes ne donnent actuellement pas lieu à un classement.

 

Le modèle

À côté de ces enjeux spécifiques de production de sens, le catalogue a aussi des enjeux généraux de normalisation ou, du moins, d’intégration avec les autres sources d’information sur les cartes à jouer. Dans le domaine des bibliothèques, la réflexion sur l’interopérabilité (ou le partage) des catalogues a donné lieu depuis les années 1990 à l’élaboration d’un modèle conceptuel[3] visant à donner les bases de ce que devraient contenir les notices bibliographiques. Celui-ci s’est élargi et a évolué pour intégrer les travaux similaires dans le domaine des musées et l’adaptation aux systèmes de données les plus récents. Une nouvelle version, nommée IFLA-LRM a ainsi vu le jour. Ce modèle décrit les éléments de catalogage sous la forme d’entités, d’attributs et de relations[4].

À partir de 2019, le catalogue de la collection a commencé à être remanié pour bénéficier de la puissance descriptive du modèle IFLA-LRM. L’adaptation n’est en rien directe, puisqu’IFLA-LRM a été pensé pour des œuvres singulières produites par des individus (livres, films, gravures…) et les cartes à jouer sont typiquement des produits de série, dont bon nombre d’éléments sont issus de l’anonymat de la tradition.

On peut présenter schématiquement cette adaptation en disant qu’un jeu de cartes est un exemplaire (ITEM au sens d’IFLA-LRM) d’une édition (MANIFESTATION), elle-même réalisation par un fabricant (AGENT) d’un dessin particulier (EXPRESSION) qui décline lui-même un type (WORK). Le choix de la position d’œuvre (WORK) pour les types est clairement basé sur l’idée que les productions culturelles collectives méritent d’être étudiées de la même manière que les objets d’art. Ceci dit, les avantages du modèle sont de tenir compte des cas complexes de déclinaisons et de variantes, ainsi que de la structure hiérarchique des classements dont on a parlé plus haut, tout en permettant d’exprimer des relations transversales. Ainsi un fabricant (AGENT) est lié à un pays (PLACE), par une relation de localisation, est associé à une période d’activité (TIME-SPAN). On peut ajouter des relations pour traduire l’acquisition d’un fabricant par un autre (relation d’AGENT à AGENT), la création de marques commerciales (NOMEN), etc.

L’adaptation n’est pas encore aboutie, certaines relations ne sont qu’esquissées[5]. Dans les paragraphes suivants les entités principales du modèle sont définies, ainsi que les règles utilisées pour les créer, avec les éventuels compromis ou limitations.

 

Objets catalogués

Au sens de cette collection, l’objet minimal catalogué est un « jeu de cartes » : un ensemble de cartes destiné à être utilisé pour jouer. Autant que possible ont été inclus dans la collection des ensembles complets, avec l’emballage d’origine, tel qu’il était au moment de sa commercialisation. Ceci devrait aider à établir le contexte de production.

Pour de nombreux jeux cependant, l’emballage d’origine manque : soit qu’il ait été jeté, soit qu’il ait été remplacé par un autre (dans ce dernier cas, il est conservé avec le jeu et la situation est mentionnée en note).

Dans certains cas, ce sont des cartes qui manquent, ou bien il est impossible de déterminer leur nombre d’origine. Cela est également mentionné, tout comme les situations où il s’agit manifestement de plusieurs jeux différents rassemblés pour reconstituer un ensemble cohérent.

D’un autre côté, il est possible de trouver des ensembles de jeux (2 jeux ou plus dans un coffret). Ils forment dans ce cas un seul objet catalogué, que le coffret soit présent ou pas.

On a également inclus dans la collection des planches de cartes non séparées : épreuves tirées par l’imprimeur pour vérification ou tirages ayant échappé à la découpe. Une planche est un objet au même titre qu’un jeu. Cet objet est considéré complet,  même s’il n’est, dans ce cas, pas passé par la commercialisation.

Un objet catalogué se voit attribuer un numéro de catalogue unique, sur 6 chiffres (par ex. « no. 000178 »). La numérotation est chronologique (par ordre d’entrée dans la collection) et incrémentale. Si un jeu est sorti de la collection, son numéro n’est pas remplacé. Des lacunes peuvent donc apparaître.

 

Exemplaires

Un objet jeu est décrit en tant qu’exemplaire, c’est-à-dire un élément singulier faisant partie d’un groupe possédant les mêmes caractéristiques physiques, tous produits d’une même édition, qui rassemble ces caractères communs. C’est le même sens que dans le domaine bibliographique. Par exemple : le jeu qui porte le numéro 000299 dans la collection est l’exemplaire d’une édition du Tarot de Marseille par Grimaud. La boîte de cet exemplaire est manquante et l’as de deniers a un coin déchiré. Dans tout le site, on emploiera indifféremment les mots « jeu » ou « exemplaire », mais de préférence « jeu » pour désigner l’objet concret, « exemplaire » dans les cas où c’est la relation avec une édition qui est visée.

Un exemplaire possède des éléments propres, qui sont la résultante d’une éventuelle identification spécifique au cours de la chaîne de production / distribution (numéro de série, marques fiscales) ou, bien plus souvent, à cause des aléas de son histoire d’objet (cartes perdues ou abîmées, rajouts, inscriptions manuscrites).

Un exemplaire possède une date d’édition, date à laquelle l’objet a été physiquement produit ou distribué. Cette indistinction est à noter pour ne pas accorder trop de confiance à l’information correspondante. Un exemplaire peut avoir été fabriqué à une certaine date et être resté dans un stock chez le fabricant avant d’être mis sur le marché des années après, avec la marque de datation du moment. L’inverse est également vrai, où les exemplaires sont mis en circulation des années après l’apposition de la marque de datation.

La date d’édition est très difficile à retrouver avec précision, faute de marques systématiques pour la lire. Les tampons appliqués par l’autorité fiscale sont le moyen d’identification le plus courant jusqu’à leur disparition vers le milieu du XXème siècle. Après ça, les données des catalogues des fabricants peuvent s’avérer utiles, mais les études manquent sur ce sujet. En tout état de cause, la date d’édition est souvent laissée vide ou indiquée par un intervalle large.

La zone de diffusion (zone géographique où a été commercialisé l’objet) est aussi une donnée de l’exemplaire. Bien que cela puisse être prévu à la conception de l’édition (par exemple par des indices dans une autre langue que celle de l’éditeur), le cas existe où une partie seulement du tirage d’une même édition est destiné à l’exportation. C’est pour tenir compte de ce cas que la zone de diffusion a été rattachée aux exemplaires plutôt qu’à l’édition.

Chaque exemplaire se voit attribuer un titre qui reprend le nom de l’édition (voir plus loin), précédé du nom de l’éditeur et du type. Par exemple : « La Cubana S.A., Portrait de Cadix, « Estrella Antigua - Opaca », pour le jeu no. 000357.

 

Éditions

Une édition est la production d’un certain nombre d’exemplaires identiques de jeux de cartes par un agent donné. Une édition est donc définie comme une combinaison d’éléments matériels (le type d’emballage, la taille, nombre de cartes, la technique d’impression, etc.) et graphiques (dessins, motifs, inscriptions imprimées) partagés par plusieurs exemplaires. À chaque fois qu’un élément change (la couleur du dos, par exemple, ou le nombre de cartes) mais que les autres éléments restent identiques, une édition distincte est créée et on note une relation de variante entre ces éditions (si de multiples éléments diffèrent il  n’y a pas de relation de variante).

Une édition peut posséder un nom. Il est en général tiré d’une mention sur l’emballage (plus rarement sur les cartes). On a essayé de ne conserver que ce qui pouvait la distinguer clairement. Par exemple, dans le titre « Altenburger Salon-karte Nr. 148 „Kornblume“ », le numéro de référence au catalogue du fabricant a été conservé (« 148 »), de même que « Kornblume », qui identifie le motif de dos, mais la mention « 32 blatt. » (32 cartes), aussi présente sur l’emballage, n’a pas été gardée. Quand une marque commerciale est mentionnée, on l’a intégré au nom, de même que le commanditaire (dans le cas d’un jeu publicitaire), par ex. « La Ducale - Tarot - Lerner » (« La ducale » est le nom de marque, « Tarot » le nom de l’édition à proprement parler, « Lerner » le commanditaire). Pour les titres en caractères non latins, la transcription en caractères latins est utilisée, suivie du nom original entre parenthèses, par ex. : « Daitoryô (大統領) ».

Souvent il n’y a que la mention du jeu cible (« Poker », « Pikett », « Whist »), voire seulement « Jeu de cartes » ou « 32 cartes de luxe » et, faute de mieux, c’est ce qui a été conservé. Dans beaucoup de cas aussi l’emballage manque et il n’est pas possible de rapprocher le jeu d’une édition dont le titre est déjà connu. Dans ce cas l’édition reste sans titre.

En tant qu’objet résultat d’un processus de production, une édition est liée à 3 agents particuliers, aux rôles différents. L’éditeur est le créateur, responsable du contenu intellectuel et à l’origine de la production. L’imprimeur est celui qui fabrique (imprime et conditionne) les exemplaires. Enfin, le distributeur prend en charge la diffusion du jeu auprès des magasins, revendeurs, etc. Ces 3 rôles peuvent être tenus par le même acteur, mais il n’est pas rare de voir un jeu imprimé dans un autre pays ou fabriqué pour être distribué par un tiers. Dans le classement par origine, on utilise le terme de « fabricant » pour désigner indifféremment les éditeurs et les imprimeurs. Quand le jeu est distribué par un acteur distinct, on mentionne les deux noms dans le titre de l’exemplaire, par ex. « Masenghini pour VASS, Portrait de Sicile, "Napoletane No. 37" » (Masenghini est l’éditeur, propriétaire du dessin, VASS est seulement distributeur).

La production d’une édition peut s’étaler à l’identique sur de nombreuses années. Actuellement, le catalogue ne gère pas d’information sur la période d’extension d’une édition.

 

Dessins

L’élément graphique principal d’une édition est le dessin, qui désigne la manière dont sont représentées les symboles de suites et les différentes valeurs de cartes. Le dessin permet de relier plusieurs éditions qui ne diffèrent que par les marques accessoires (motifs de dos, indices, cadres, mise en couleurs, marques de fabrique, etc.).

Dans le cadre des jeux standard, où une partie des caractéristiques graphiques s’est fixé, un dessin est défini comme l’élément variable d’un type, c’est-à-dire la manière dont un fabricant a interprété et personnalisé ces caractéristiques fixes. Très souvent cela s’identifie avec le détail des figures : les cartes de valeurs hautes, habituellement représentées par des personnages. Certaines cartes ont le rôle de porter les marques de fabrique de l’éditeur : as de pique, as de cœur, joker. Dans cette mesure, on ne les inclut pas dans le dessin et leurs changements sont considérés comme définissant plutôt des éditions différentes. Dans le cadre de jeux non standard, c’est l’ensemble des cartes (cartes basses, as, jokers éventuels), qui est pris en compte.

Un dessin est par définition sans couleur : les variantes de mise en couleur ne définissent pas des dessins différents.

Un dessin est la propriété d’un fabricant (éditeur ou imprimeur), qui l’utilise comme modèle pour concevoir plusieurs éditions différentes. Quand un fabricant fait évoluer le dessin, même par des détails minimes (motif de hachures pour représenter une ombre, simplification du trait pour l’adapter à un format de carte plus petit…), un dessin différent est créé dans la base et on note la relation de descendance liant les deux dessins.

Lors des successions ou des rachats entre fabricants, il arrive souvent que les modèles de dessins soient repris à l’identique par le nouveau propriétaire. On a cependant choisi de créer un nouveau dessin, en mentionnant une relation de descendance entre les deux entités. On peut suivre de cette manière les évolutions d’un dessin à travers les péripéties économiques de son histoire.

On peut donner théoriquement une date à chaque dessin, date qui indique donc la création originale, une retouche ou l’acquisition du modèle. En pratique, retrouver cette date nécessite des recherches poussées dans les archives des fabricants et elle est très souvent inconnue. On l’a mentionnée quand on a pu la tirer des ouvrages de référence qui la précisent. L’auteur d’un dessin, quand il est connu, est aussi mentionné.

Les autres éléments importants enregistrés avec le dessin sont le caractère double, symétrique ou en pieds des figures, et évidemment le type auquel se rattache le dessin (voir plus loin).

 

Fabricants, diffuseurs et marques

Les fabricants et diffuseurs sont les entités intervenant dans l’existence d’un jeu. La base de données répertorie pour chaque société différents éléments d’identification : nom, ville de fondation, pays, période d’activité. La vie des sociétés est difficile à cataloguer : changements de noms, d’adresse, rachats, prises de participations… Il a fallu faire de nombreux compromis pour garder assez de précision dans les détails historiques sans nuire à la compréhension globale permettant d’utiliser ces entités comme éléments de classement.

Un société est considérée exister depuis sa date création jusqu’à ce qu’elle cesse son activité (faillite) ou qu’elle soit rachetée (ou lors d’une prise de participation extérieure majoritaire), même si le nom commercial continue à être utilisé (par exemple « B.P. Grimaud » s’arrête en 1962 lors du rachat par « J.-M. Simon – France Cartes », même si le nom « B.P. Grimaud continue à être mis en avant par le groupe qui a aujourd’hui le contrôle de la société). Le nom retenu est celui qui correspond à la plus grande extension (par exemple « V.A.S.S. » - 1931-1945 et 1950-1996, plutôt que « ASS GmbH » - 1996-2000), mais ces choix sont, il est vrai, quelquefois un peu arbitraires. La base possède cependant un système embryonnaire pour enregistrer les noms alternatifs.

La très grande majorité des dates et villes de création, ont été tirées de documents de références (voir la section Références), certaines confirmées ou précisées par des recherches sur internet. Pour les fabricants d’Allemagne et d’Europe centrale, deux « arbres généalogiques », publiés sur le site d’Altacarta, m’ont été précieux, chacun retraçant la généalogie du groupe le plus important d’Allemagne (V.A.S.S.) et d’Autriche (Piatnik).

Les successions, rachats, ou reprises sont donc notées et permettent de suivre les conséquences de ces changements dans les modèles de jeux.

Les marques (noms commerciaux déposés) sont également répertoriées. Quelquefois, elles sont plus connues que le nom de la société et sont le seul élément d’identification pour celle-ci (par ex. « Coeur », du fabricant est-allemand « V.E.B. Altenburg Spielkartenfabrik »). Comme on l’a déjà dit, il arrive qu’une société soit rachetée et que son nom perdure chez son repreneur en tant que nom de marque.

Il faut répéter que toutes ces entités ne forment en aucun cas une base de référence exhaustive : seuls les fabricants et marques des jeux de la collection sont répertoriés.

 

Types, systèmes de suites

Le classement typologique vise à regrouper les dessins selon leurs caractéristiques graphiques communes, formant des types identifiables. Traditionnellement, on distingue les notions d'enseignes et de portrait.

Suites / enseignes

La majorité des jeux de cartes occidentaux sont organisés selon 4 suites (ou « enseignes »), identifiées par un symbole particulier, au sein desquelles les cartes sont classées selon une hiérarchie de valeurs. Ces 4 suites forment un système arrêté qui dicte le dessin des cartes. Plusieurs standards différents coexistent, produit des évolutions historiques régionales. En Allemagne, par exemple, on trouve traditionnellement des jeux aux « enseignes françaises » (suites de cœur, pique, carreau et trèfle) et des jeux aux « enseignes allemandes » (suites de cœur, feuille, grelot et gland). (Pour une introduction générale voir les pages Wikipedia et pour une synthèse historique complète sur le web, voir 'An introduction to Playing Cards' sur le site d'Andrew Polett [en anglais].)

Une partie des cartes ne suit pas ce schéma, utilisant d'autres dessins pour les 4 suites ou une seule suite, ou plus de quatre suites. Pour celles-ci on ne parlera pas ici de « systèmes de suites », mais simplement de « familles », pour garder l'idée que tous ces groupes sont malgré tout de près ou de loin apparentés.

Types / portraits

À un second niveau, au sein d’un groupe formé par un système de suites, les dessins des cartes peuvent être regroupés en types possédant des caractères communs : postures des « figures » (cartes de plus hautes valeurs figurant un personnage : roi, reine, valet), attributs, thématique, stylisation, etc. Ces éléments communs définissent un type ou « portrait » standard. Les portraits sont des adaptations locales des premiers jeux diffusés. Ils étaient encore nombreux en Europe au début du XIXème siècle, mais avec l'industrialisation, les regroupements politiques, la concentration des fabricants, le déclin de certains jeux traditionnels auxquels ils étaient attachés, leur nombre n'a cessé de baisser. En Italie, témoin de cette profusion passée, sont malgré tout encore commercialisés de nos jours au moins 6 portraits aux enseignes italiennes, 6 aux enseignes françaises et 5 aux enseignes espagnoles (sans compter les cartes de tarots).

Le répertoire des types a été élaboré sur la base des listes de l’International Playing Card Society, avec quelques ajouts inspirés d’autres sources (notamment Altacarta, le site d’A. Pollett : http://a_pollett.tripod.com/), ou de mes réflexions. Les noms ont été francisés.

Standard / non standard

Si certains dessins on pu se fixer en standard, c'est parce qu'ils correspondent aux cartes utilisées quotidiennement par les joueurs et sont de ce fait, à cause de l'habitude, plus résistants aux changements. Mais les cartes à jouer ont un champ d'utilisation bien plus large que celui du jeu : objet d'art ou de collection, support pédagogique ou ésotérique, outil promotionnel, etc. Il existe donc de nombreux jeux dont le dessin s’éloigne des standards des joueurs. Ils sont souvent mis à part dans les catalogues et listés sans hiérarchie. Même si le but de la collection est de recenser plutôt des jeux au dessin standard, on a choisi de ne pas faire de partition nette et de hiérarchiser cet ensemble pour faire apparaître les liens avec les jeux standard. Ainsi les systèmes de suites non standard sont classés en 3 groupes : « Enseignes de fantaisie » (4 suites dont les symboles ont été simplement redessinés), « Suite unique » (les cartes peuvent porter des valeurs, mais elles ne sont pas groupées en suites distinctes) et « Suites multiples » (il y a plus de 4 suites). Lorsque le dessin conserve des symboles de suite classiques mais innove dans le graphisme par rapport au standard que constitue un portrait, il sera considéré comme faisant partie d’un groupe « non standard » au sein du système de suites. Il y aura donc un type « non standard aux enseignes françaises », « non standard aux enseignes espagnoles », etc.

 

Pays, zones géographiques

Un jeu est lié à un pays de deux manières : par son éditeur, dont le pays est le pays d’édition et éventuellement par le pays de diffusion attaché à l’exemplaire – si ce pays est visiblement différent du pays d’édition. Quand rien n’atteste ce cas de figure (indices ou marques dans une autre langue, marques fiscales d’un autre pays), on a considéré que le pays de diffusion est identique au pays d’édition.

Les définitions des pays répertoriés sont un compromis entre la cohérence historique (nom et extension du pays à la date d’édition ou de diffusion) et la volonté de désigner des territoires culturellement « homogènes » en ce qui concerne la production de cartes à jouer. Pour l’Europe, on a globalement choisi de suivre le découpage après l’éclatement de l’U.R.S.S., la Yougoslavie et la Tchéquoslovaquie étant encore des pays unifiés. Il y a une exception notable : l’Allemagne, qui est considérée dans ses limites les plus larges de la fin du  XIXème siècle (on y a inclus par exemple le fabricant Flemming & Wiskott, originaire de Głogów, dans la République de Weimar à sa création en 1924, aujourd’hui en Pologne).

Divisions supérieures au pays, les zones géographiques désignent également plutôt des ensembles culturels : l’Europe comprend ainsi la Russie. Faute d’un nombre d’exemplaires suffisant dans la collection, le Moyen-Orient n’est pas représenté et la Turquie est incluse dans l’Europe. De même, l’Asie s’identifie aux pays du sud-est. L’Océanie est  représentée par un seul jeu venant d’Australie (non public actuellement).

 

Périodes, siècles

Pour s’intégrer au classement chronologique, un exemplaire est, en plus de sa date d’édition, associé à une période et un siècle.

Les périodes sont des commodités de classement arbitraires, s’échelonnant majoritairement en décennies, sauf pour les extrémités où le nombre de jeux est le plus petit (fin du XIXème siècle pour les plus anciens, début du XXIème siècle pour les plus récents).

 

Images

À chaque jeu est associé une représentation numérisée, qui comprend les cartes et les éléments éventuels d’emballage ou accessoires accompagnant les cartes. La définition utilisée est 300dpi / taille réelle au minimum. (Certains jeux ont pu cependant être traités avec une définition inférieure.) Un effort particulier est fait pour garder une homogénéité de rendu des couleurs[6].

Pour les cartes, le choix a été fait de produire une image pour chaque face de toutes les valeurs (pas seulement les figures, comme c’est souvent le cas) auxquelles s’ajoute une seule image pour le dos commun. Les cartes spéciales, les inserts, les livrets, etc. peuvent donner lieu à plus d’images.

Dans le cas des planches, quand elles sont de taille conséquente, elles sont scannées par morceau et assemblées à la main dans un logiciel de traitement d’image.

En revanche, les éléments d’emballage sont représentés par morceau. Comme l’emballage se présente la plupart du temps comme un objet parallélépipédique, il y a une image pour chaque face comportant des informations signifiantes (texte ou logo imprimé, détail de matériau, système d’ouverture, etc.).

Les livrets ou autres éléments accessoires qui comportent des informations multiples ne sont en général pas scannés en intégralité.

 

Travaux en cours, perspectives

Actuellement, les données sont en cours de consolidation en ce qui concerne les modèles de dessin et les relations de variantes entre éditions (contenu de la section « Jeux liés » dans la fiche d’un jeu).

Plusieurs amélioration ou extensions du modèle sont à l’étude. Dans le classement par Origine, notamment, la prise en compte des variantes de noms de société et l’ajout de données sur les marques de fabrique : éléments graphiques ou textuels permettant d’identifier un fabricant (logos, as ou jokers typiques). Les jokers et les as pourraient ainsi donner lieu à des index graphiques.

D’une manière plus générale, le modèle reste trop hiérarchique et il reste à étendre les relations entre entités de classement (par exemple les pays liés à plus d’une zone géographique : Russie → Europe et Russie → Asie ; les types mixtes liés à plus d'un système de suite : 'Kongresskarte' → Enseignes françaises et 'Kongresskarte' → Enseignes allemandes). De plus, les noms (de sociétés, de type) devraient être complètement détachés et devenir des entités séparées (NOMEN), ce qui faciliterait la recherche et permettrait d'ouvrir le chantier de la traduction.

Une autre évolution concerne les liens du catalogue avec d’autres catalogues, en particulier pour les ouvrages de référence, les éditeurs, les artistes et les éléments de classement encore plus génériques : pays, villes, sujets. Cela passe par l’exploitation de codes internationaux (ISBN, ISNI, geonames).

 


[1] A catalogue of the Cary Collection of Playing Cards in the Yale University Library, New Haven, Yale University Library, 1981.

[2] Voir une tentative en ce sens sur le site pagat.com, qui aborde la question sous l’angle d’une typologie des règles.

[3] Il s’agit du modèle FRBR (Functional Requirements for Bibliographic Records – en français fonctionnalités requises des notices bibliographiques). Sa formulation visait à servir les objectifs des Principes internationaux ce catalogage, établis par l’IFLA (International Federation of Library Associations and institutions - Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques) dès 1961. Voir la dernière version de ce document (2016, en anglais) sur le site de l’IFLA.

[4] Pour une présentation, consulter la page wikipedia associée. La dernière version du modèle publiée par l’IFLA sur son site, date de 2017.

[5] Pour ceux qui sont intéressés, le schéma utilisé est visible ici.

[6] Cela est assuré par l’utilisation du même matériel de numérisation et un traitement de retouche relativement automatisé, mais sans utiliser de techniques de contrôle poussées. Il peut donc subsister des différences d’étalonnage.